henley o. & nigel v.
- yeah you can start over you can run free
you can find other fish in the sea
you can pretend it's meant to be
but you can't stay away from me. -

es pupilles vrillées sur l'écran, il ne voit pourtant pas grand-chose de la messe du dimanche qui s'y déroule. Il déteste les dimanches matins, simplement parce qu'ils sont tous là à regarder la messe, troupeaux de croyants aux portes de la mort. Il comprend Nigel, il comprend qu'il faut bien se raccrocher à quelque chose arriver à cet âge là mais ça l'ennuie. Ça l'enrage d'écouter prêtre après prêtre débiter conneries sur conneries. Pourtant il est là, à donner son chocolat chaud à madame Odair, qu'il ne peut s'empêcher d'oeiller toutes les trois secondes. Il le cherche dans ses traits, dans n'importe quoi. Elle a épousé sa descendance, c'est pas n'importe quoi. C'est pas rien du tout. Il ne sait pas si il préfèrerait qu'elle fasse une fausse route, la mamie Odair et décède sur le champ ou qu'elle batte tous les records de longévité. Il est perdu, Nigel, entre ses bas instincts et ceux qu'il a développé à force de volonté. - Ah, mamie, tu es là. Qu'elle s'étouffe. Clairement, sur le champ. Évidemment qu'elle est ici, c'est sa chambre et il est à peine huit heures du matin. Il se retient cependant de lui balancer le chocolat chaud au visage et lui offre un sourire de circonstance, à peine plus qu'un rictus. Il ne se risque à guère plus, trop conscient de ce qu'il en ressortirait. - Bonjour. Il s'étouffe presque à dire, à lui parler, à lui donner un rôle dans sa vie. - On l'embarque, elle vient manger dehors. Pas vrai mamie? Il tourne la tête vers la grand-mère alors que le regard de Nigel est glué à la porte. La voir? Ne pas la voir? Il ne saurait dire ce que son cœur désire en cet instant. Et surtout, plus que tout, il est à la recherche de cette tête blonde, à la recherche de n'importe quoi, un signe, son nom, inscrit sous son oreille. N'importe quoi. - Il faut informer l'infirmière de toutes sorties. Il faudra patienter au rez de chaussé dans son bureau. Son ton est froid, professionnel jusqu'au bout des ongles. A défaut de lui refaire le portrait, il gardera au moins son job. - Oh. Il déchante un peu mais pas assez au plaisir de Nigel. - Je reviens. Chuchotements et bruissements plus tard, il se retrouve seul avec Odair senior et sa colère sous jacente. Ses poings se serrent et se desserrent alors qu'il observe la grand-mère, silencieuse, comme à son habitude. - Et bien, il semblerait que vous sortiez Janice. Mettez-vous en partout pour moi, deal? Il sait bien que Odair n'a pas conscience de tous les soins que nécessitent son aïeul mais il va vite s'en apercevoir. - Allez, il est temps de s'habiller J. Qu'est-ce que vous voulez porter? Où est Dani quand on a besoin d'elle? Il hésite entre le truc immonde rouge et le truc affreux bleu, les sort tout deux de l'armoire, les tend devant lui et manque de les faire tomber lorsqu'il s'aperçoit qu'il n'est plus seul avec J. Elle est là. Il n'ose pas prononcer son nom, encore moins le penser. Ça la rendrait encore plus réelle. Parce qu'il a peur Nigel, peur de l'avoir rêvé. Et il a peur, tellement peur de l'avoir vraiment vu. Mariée. Heureuse. Ses yeux volent sur son annulaire, qui porte le signe de cette alliance malheureuse. Vers le sien, qui porte encore le signe de leur amour éperdu. Perdu. - Bleu ou rouge? De toutes les choses qui pourraient quitter sa bouche, ce sont bien les dernières paroles qu'il s'attendait prononcer. Professionnel lui a dit Dani. Keep it professional.

En claquant la porte de la voiture stationnée devant le centre pour personnes âgées, Henley comprend qu'elle n'aurait pas du revenir. Il est là, elle en est certaine. Elle n'a pas envie de le revoir, elle n'a pas envie qu'il voit Iris, mais il s'agit de la grand-mère de son mari et il avait besoin d'elle. Restée silencieuse durant tout le trajet, Henley ne parvient toujours pas à émettre un son, la gorge nouée. Il est là. Iris lui prend la main, comme pour la réconforter et elle resserre doucement l'étreinte contre celle de sa fille. Rhys ouvre la porte, demande le numéro de chambre - qu'il a déjà oublié et elle se retrouve à longer ces couloirs où elle a revu Angelo pour la première fois depuis.. plus de douze ans maintenant. Il faisait parti de ses souvenirs, elle avait réussi après de nombreuses années à le ranger dans un compartiment de son esprit et le voilà qui revenait la hanter. Elle n'avait pas dormi de la nuit, ne cessant de ressasser ces derniers instants avec lui. Aurait-elle pu savoir qu'il s'agissait des derniers ? Le savait il, alors qu'elle l'embrassait pour lui dire bonne nuit qu'elle ne le ferait plus jamais ? Oscillant entre la colère et tout ce qu'elle pouvait ressentir envers cet homme, Henley s'immobilise avant d'entrer dans la chambre, réalisant que c'est lui, c'est Angelo qui parle à Rhys. Elle sait qu'elle ne le devrait pas et pourtant, alors que son mari revient vers elle, Henley dépose un baiser sur sa joue - Je t'attends ici.. amène Iris, tu veux bien ? les machines distributrices sont sur le chemin. Il ne pose pas plus de questions et continue son chemin, accompagné de la jeune fille. Laissée à elle même, Henley n'a qu'une seule envie, s'enfuir le plus rapidement possible, sauf qu'elle n'y arrive pas. N'arrive pas à dire adieu une seconde fois à cet homme qui lui avait brisé le coeur toutes ces années plus tôt. Que faisait-il au Canada ? La curiosité primant sur l'envie de prendre ses jambes à son coup, Henley entre finalement dans la chambre de Janice Odair. Il est là, il est beau. Ça lui fait mal à Henley, de le voir comme ça. De le voir si bien, si organisé - - presque normal. Les apparences étaient souvent trompeuses, mais elle connaissait Angelo. Elle pouvait voir qu'il avait changé et une partie d'elle se demande soudainement pourquoi il n'est jamais revenu pour elle. Ses cheveux sont un peu plus longs, sa barbe un peu plus fournie, homme. Mais en même temps, exactement le même que celui dont elle connaissait chaque parcelle de son corps. Henley avait cru lui appartenir pour toujours, à une époque. Qu'ils seraient ensemble malgré les crises de jalousie, malgré leurs familles respectives. Si elle avait longtemps eu besoin de s'endormir dans l'un de ses vieux t-shirt après son départ, afin de sentir son parfum réconfortant,  elle n'était plus cette adolescente au coeur brisé. Elle pouvait lui faire face. T'es plus la gamine qu'il a laissé tomber. Grande inspiration. - Rouge, bleu ça fait trop.. hôpital. réponds t-elle, vaguement nonchalante. Elle ne sait plus où se mettre, elle se sent de trop. D'habitude sans gêne aucune, elle perds tout ses moyens et détestecela. Elle déteste à quel point il avait encore cet effet sur elle après toutes ces années. - Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu parti ? Elle a envie de crier, mais elle ne le fait pas. Elle garde un visage le plus neutre possible, avançant tout de même de quelques pas afin de se rapprocher du centre de la pièce.

- i know i'm acting a bit crazy
strung out, a little bit hazy
hand over heart, i'm praying
that i'm gonna make it out alive. -
Il hésite à prendre la bleu. Simplement par esprit de contradiction. Simplement pour lui faire comprendre qu'il était capable de prendre une décision par lui-même. Pour autant, étant à l'origine de la question, il ravale la bile qui lui titille la gorge et repose le cintre bleu dans l'armoire. Rouge ce serait. Souriez Janice, vos allez devenir le centre de l'attention... Il hoche vaguement la tête et observe tout sauf elle. Il sait qu'au moment où il reposera ses yeux sur elle, il sera incapable de les oter. C'est un combat perdu d'avance pour autant, il est incapable de déclarer forfait et se concentre alors sur Janice, retirant son bavoir, rangeant le plateau du petit déjeuner dans un coin. L'ignorer est tout simplement impossible. Il est conscient de son regard affuté sur lui, sur ses courbes bien différentes de l'adolescent qu'il était. Il est conscient de sa présence comme toujours, comme si tout son corps était branché sur sa fréquence. - Que fais-tu ici ? Il s'arrête. Juste une seconde, et reprend ses gestes. Assurés, quotidiens. Son cœur lui tempête en lui, mais son visage reste imperméable aux pensées qui tourbillonnent. - J'habille Janice. Il mentionne, toujours sans lui jeter un regard. Ses paroles, douce comme un poison coulent entre eux alors qu'aucun d'eux ne peut ignorer le ton amer de Nigel. - Vous sortez il parait. En famille. Cette fois il se tourne, le mot famille trainant son lot d'amertume. Il plante ses prunelles dans celles d'Henley, bien décidé à trouver réponse à la question qui l'empêche de trouver le sommeil. - Pour fêter quelque chose? Un anniversaire peut-être? Celui de la petite? Incapable de prononcer son nom, incapable de s'y résoudre, il continue de l'appeler la petite. - Elle a quel âge? Dix ans? Onze? Onze. Il a calculé. Diable, il n'a fait que ça depuis le retour de sa blonde, comptant et recomptant, s'imaginant des faits inconnus remplis de si et de peut-être. Les mains sur les hanches, il domine Henley, en attente d'une réponse capable de bouleverser toute son existence. Et si? Et si c'était bel et bien sa fille? Mais surtout, et si ça ne l'était pas? Et si elle avait donné leur prénom, leur prénom à un enfant conçu par quelqu'un d'autre? Et si elle l'avait totalement oublié? Et si elle avait trainé dans la boue leur année de bonheur, leur amour? - Réponds moi Henley. Son prénom coule entre ses lèvres alors qu'il fait un pas presque menaçant vers elle. Il avait raison, il est désormais incapable de quitter ses traits du regard, essayant de consolider cette nouvelle image d'elle avec la précédente. Essayant de mémoriser des traits qu'il ne verra peut-être plus.