Wren ne sait pas à quel moment cela arrive - quand elle est petite et forcée par une infirmière à ne pas bouger pendant la prise de sang ou quand Mason l'accompagne à l'hôpital le plus proche pour faire examiner toutes ses blessures après que son mari (désormais ex) l'ait sauvagement passé à tabac ? Dans tous les cas, il y a un moment où Wren devient anxieuse dès qu'elle s'approche d'un cabinet médical. Ca s'explique aisément, les médecins font remonter en elle les pires souvenirs de son existence et elle préférerait être dans son atelier, à peindre plutôt qu'ici, à ronger ses ongles ou tresser une mèche de cheveux, essayant d'évacuer son anxieté. Et puis, aujourd'hui, ce n'est pas un jour comme les autres. Wren n'est pas dans la salle d'attente d'un cabinet médical pour elle mais pour son bébé. Son petit pois qui grandit à l'intérieur d'elle pour un jour devenir un bébé qu'elle chérira plus que sa vie. Il y a de l'excitation en elle, quelque chose qui fait battre son sang dans ses veines, qui la fait vibrer de l'intérieur. Elle a déjà fait une échographie dès qu'elle a découvert qu'elle était enceinte. Le test de grossesse venait à peine d'afficher le résultat que le rendez-vous était déjà programmé. L'image qu'on lui a donné représente une petite tache noir dans un fond gris et c'est ridicule de la regarder et de se dire qu'un jour ce sera un être de chair et de sang. Avec deux bras, deux jambes et un petit nez adorable. C'est presque aussi ridicule que de se dire que Wren porte un bébé en elle, qu'elle fait pousser un être humain dans son ventre. L'idée lui donne envie de rire mais c'est cet instinct maternel - celui qu'elle ressent en ce moment - qui lui donne des ailes, qui la pousse à caresser son abdomen. Elle a toujours voulu être mère. Alors oui, il y a de l'excitation à l'idée de se dire qu'elle va finalement revoir son enfant, être témoin de son évolution en quelques semaines. Et surtout, aujourd'hui, elle va pouvoir entendre son coeur battre. Et juste ça l'angoisse. Parce que si le coeur ne bat pas correctement ? Si quelque chose ne va pas avec son enfant ? A cet instant, il n'y a rien que Wren désire plus au monde que d'avoir une main à serrer dans la sienne. La dernière fois, Mason était là. Juste penser à lui la fait se tendre d'effroi. Wren voudrait que ce soit autrement, elle le souhaite de tout son coeur parce que mon dieu, son mari, elle l'aime. Mais si Mason n'est pas là, c'est parce qu'il a levé la main sur elle. Une seule fois mais ça a été la fois de trop. Si Wren avait un peu de bon sens, si elle n'était pas aussi faible, elle se serait déjà réfugiée chez sa mère et aurait trouvé un avocat et demandé le divorce. Néanmoins, Wren n'est pas assez forte et trop folle d'amour pour trouver le courage de quitter Mason - et effrayée de ce qu'il ferait si elle l'abandonnait. Elle n'est plus aveugle, cependant, pas comme elle l'a été la dernière fois. Mason aura beau lui dire que ce n'était qu'une fois, s'excuser encore et encore, toutes ces choses, Asher le lui a dit. Et il a continué à frapper. Elle sait que ce sera pareil avec Mason. Elle se sent résignée. L'idée néanmoins qu'il soit dans cette pièce près de leur enfant à naître lui donne envie de vomir. Sa première grossesse était inattendue, tellement qu'elle a passé le test tardivement, mettant du temps à comprendre la raison de ses étourdissements, de sa fatigue et de ses nausées matinales. Elle n'a pas eu le temps de faire une échographie, de voir le bébé qu'elle portait en elle avant qu'Asher ne l'assassine. Ca n'a rien changé au fait qu'elle a eu le coeur brisé. Wren est peut-être faible mais cette fois, elle se battra pour son enfant et elle ne le laissera rien lui arriver. C'est étrange de penser que Mason pourrait leur faire du mal - quand tous leurs rêves de famille étaient si brillants, rayonnants de bonheur. Pourtant, elle est bien là seule. Un bruit l'a fait relever la tête et un instant, Wren pense que le médecin vient la chercher mais devant elle se tient Mason. Toujours aussi beau, comme sortant d'un rêve et Wren sent tout son être se figer, sa peau pâlir. « Tu... tu t'es rappelé de l'échographie ? » balbutie-t-elle comme une idiote, incapable de regarder son mari dans les yeux, incapable de le saluer, incapable d'agir comme sa femme.